lundi 23 juillet 2007

Judith Butler en France : Trouble dans la réception


Mouvements, n° 47-48, mai-juin 2006

par Jérôme Vidal*1


La publication au printemps 2005 aux éditions La Découverte de la traduction française de Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, par Cynthia Kraus, sous le titre Trouble dans le genre : Pour un féminisme de la subversion, marque le moment de la réception officielle en France de l'œuvre de Judith Butler. On a avec raison insisté sur le caractère particulièrement tardif de cette traduction : les Allemands, par exemple, disposent depuis de nombreuses années déjà d'une traduction de ce livre publié aux États-Unis en 1990. C'est que de nombreux freins s'opposaient en France à la publication de Gender Trouble (mais aussi d’autres livres importants publiés par d’autres théoriciennes américaines qui ne partagent pas nécessairement les vues de Judith Butler). Frilosité des éditeurs, rareté relative des lieux de recherche et d'étude sur le genre et les sexualités, rejet de tout ce qui pouvait, comme la French theory, rappeler ladite « pensée soixante-huit » et résistance de certaines féministes ont notamment constitué des obstacles à la diffusion et à la discussion de l’intervention dans le champ des études féministes de Judith Butler.

Il convient cependant de souligner qu'un travail de traduction (littéraire, culturelle, politique) de l'œuvre de Judith Butler était entamé depuis longtemps – bien avant la parution de Trouble dans le genre ou même de celle des premiers livres de Judith Butler publiés en France (La Vie psychique du pouvoir2, Antigone : La Parenté entre vie et mort3 et Le Pouvoir des mots4). Les écrits de Didier éribon, notamment le chapitre qu'il a consacré à l'injure dans ses Réflexions sur la question gay5, ainsi que le séminaire qu’il anime avec Françoise Gaspard, ont de ce point de vue été sans doute décisifs, tout comme les travaux et les interventions d’Éric Fassin et de Michel Feher. Pour d'autres cercles et avec d'autres effets, c’est le travail du groupe ZOO, de Beatriz Preciado6, de Marie-Hélène Bourcier7 et de quelques activistes et théoricien-nes queer qui a grandement facilité l'introduction des écrits de Judith Butler. La pratique politique déployée par un groupe comme Act Up-Paris dans les années quatre-vingt-dix a aussi contribué à créer un climat favorable à l'accueil des thèses de l'auteure de Trouble dans le genre : Judith Butler et les activistes d'Act Up semblent avoir en partage une certaine sensibilité et une certaine éthique politique, ce qui s’explique notamment par le fait que le féminisme de Judith Butler peut être lu pour une part comme une reformulation des questions féministes à partir des questions soulevées par le mouvement lesbien, gay, bi et trans (LGBT), dont Act Up est partie prenante. La problématisation politique croissante en France des questions sexuelles dans l’espace public, la diffusion d'un trouble dans les normes et d'un désir d'être « gender-troubled » (comme en témoigne la participation de très nombreuses personnes hétérosexuelles à la marche des fiertés LGBT), a aussi permis l’établissement d’une atmosphère plus propice à leur réception. Par ailleurs, si celle-ci n'a pas commencé avec la parution de Trouble dans le genre, elle ne s'achève pas non plus avec elle : un livre de l’importance de Bodies that Matter8 n’est toujours pas disponible en français, et l'évaluation critique des travaux de Judith Butler ne fait que commencer. Nous ne pourrons mesurer leurs effets dans le paysage politique et intellectuel français que dans quelques années.

Mais, avec la parution de Trouble dans le genre, il est d'ores et déjà possible d'entamer l'analyse des conditions et des premiers effets de la réception en France de ses écrits. Le moins que l'on puisse dire est qu'il y a comme du trouble dans cette réception. À côté de réappropriations diverses et divergentes, et d’inévitables (et productifs) conflits d’interprétations – que nous ne prétendons aucunement trancher –, se sont multipliés à propos de Judith Butler et de ses travaux, dès avant la parution de Trouble dans le genre, les « lectures » les plus grotesques, caractérisées par une méconnaissance ou une mauvaise foi manifestes, visant à les disqualifier sans autre forme de procès. C'est que la traduction des écrits de Judith Butler était aussi redoutée qu'attendue, et qu'elle intervient dans un contexte, ambigu à plus d’un titre, traversé de fortes tensions idéologiques et politiques.

Précisons, pour conclure ces remarques introductives, qu’il ne s’agit pas ici, loin de là, de présenter une étude exhaustive ou systématique de la réception de l’œuvre de Judith Butler – et encore moins d’en donner une lecture définitive. Il s’agit bien plutôt de ne pas s’enferrer dans certains faux débats, d’ouvrir une discussion véritable autour des questions qui sont les siennes et d’indiquer quelques pistes qui seront, espérons-le, suggestives. Les analyses proposées dans ces pages le sont donc à titre d’essai et doivent en conséquence être lues comme une invitation à la critique, et ce d’autant plus que l’auteur de ces lignes est lui-même, comme éditeur, traducteur et activiste, l’un des acteurs de la réception de l’œuvre de Judith Butler en France.


Stratégies de neutralisation

Différentes stratégies ont été mises en œuvre pour empêcher ou neutraliser ce travail de réception et de traduction : on a affirmé (Françoise Collin9) que cette traduction arrivait trop tard, que Judith Butler et la théorie queer défendaient à propos de la question du genre un constructivisme aujourd'hui banal ; on a aussi prétendu (Estelle Ferrarese10) que Judith Butler soutenait une position culturaliste et relativiste radicale, pour ainsi dire en deçà du bien et du mal, justifiant violence et domination ; de façon similaire, on a dit (Christine Delphy11) que son analyse de l'ambivalence des normes du genre reconduisait la domination masculine et qu'ainsi elle constituait l'avant-garde déguisée d'une réaction sexiste ; enfin, on a soutenu (Christophe Laudou12) que Judith Butler était insensée, autrement dit que ses textes étaient tissés de non-sens ou de lieux communs que dissimulait avec peine un jargon incompréhensible. Une lecture même superficielle de Trouble dans le genre et des autres livres de Judith Butler nous paraît contredire ces affirmations. La théorie butlerienne du caractère performatif du genre n’est pas réductible à l'affirmation, en effet banale, que le genre est une construction socioculturelle. Les efforts de Judith Butler, dans un bref passage du Pouvoir des mots, pour comprendre et contextualiser les paroles homophobes et sexistes de certains rappeurs ne reviennent assurément pas pour elle à les justifier, et quand elle cite les analyses imprégnées de racisme d'un juge de la Cour suprême des États-Unis, pour qui brûler une croix dans le jardin d'une famille noire n'est pas un acte raciste, mais un discours protégé par le premier amendement de la constitution américaine, seule une lecture singulièrement inattentive peut amener à penser qu'il s'agit pour Judith Butler de les reprendre à son compte. Le refus exprimé par Judith Butler de l'idée que normes et pouvoirs ôtent toute puissance d'agir aux sujets qu'ils constituent et traversent, que les relations de pouvoir sont univoques et saturées, n'implique à l'évidence aucunement l'acceptation de la violence et de la souffrance qu'engendrent ces relations ; il participe au contraire d'un effort pour maximiser la puissance d'agir des individu-es et travailler à une subversion radicale de ces normes et de ces pouvoirs, effort qui cependant prend acte de l'impossibilité d'entreprendre ce travail de subversion à partir d'une position d'extériorité par rapport à ces normes constituantes. Enfin, si l'écriture de Judith Butler peut en effet arrêter momentanément certains lecteurs ou certaines lectrices, et si les arguments qu’elle avance pour en justifier la difficulté peuvent ne pas entièrement emporter l’adhésion, un peu de persévérance permet de se familiariser assez rapidement avec sa grammaire, son vocabulaire et ses références, et de juger du sens ou du non-sens de sa prose.


Les ami-es de Judith Butler

Mais les ambiguïtés de la réception de l'œuvre de Judith Butler ne sont pas seulement le fait de ses détracteurs et de ses détractrices. Certaines appropriations et interprétations « volontaristes » de Trouble dans le genre, qui donnent lieu à des analyses suggestives et stimulantes, s’écartent des déplacements critiques opérés par Judith Butler, notamment dans Bodies that Matter où elle réfute explicitement la réduction de la dimension performative du genre à un jeu de rôle ou à une performance théâtrale. De telles appropriations peuvent se revendiquer d'une fidélité à certains passages et à certaines analyses contenues dans Trouble dans le genre, fidélité qui sera opposée à l'institutionnalisation et à la neutralisation du travail de Judith Butler (et à la reconduction de la figure de « l'intellectuel-le ») dont sa consécration universitaire et éditoriale serait l'occasion. Deux groupes peuvent ainsi être définis parmi les introducteurs de Judith Butler en France : d'une part, celui des activistes et des théoricien-nes queer qui, comme les membres du groupe Panik Qulture, sont attaché-es à la politique radicale du performatif esquissée dans Trouble dans le genre ; d'autre part, celui des chercheurs et des activistes préoccupés par l'actualité des politiques et des savoirs du genre, de la sexualité et de la filiation, qui n'adoptent pas la perspective « radicale » des précédent-es, auxquel-les ils reprochent, à tort ou à raison, d'avoir sur le performatif un point de vue « volontariste » et de défendre, quant au rapport entre normes, lois et institutions, un anarchisme théorique simplificateur. Les tenants de la première approche suggèrent souvent que les livres publiés par Judith Butler après Trouble dans le genre sont d'un intérêt moindre. Il est vrai que l'accent mis par exemple sur les dimensions politiques du deuil dans ces livres – marqués en cela par la politique du deuil et de la « rage » dont les luttes contre l’épidémie du sida ont été l’occasion, politique qui est venue défaire l’« abjection » de l’homosexualité en imposant dans l’espace public la réalité des morts du sida et la légitimité de leur deuil – ont pu dérouter certain-es de ceux et celles qu'avaient enthousiasmé-es les analyses du caractère performatif du genre déployées au début des années 1990, bien qu'il soit possible de soutenir que les développements subséquents étaient inscrits dans l'œuvre de Judith Butler dès cette époque. Elle soulignait en effet alors, dans des pages célèbres, que toute construction identitaire produit nécessairement une forme de mélancolie en raison du deuil impossible des attachements et des identités alternatives qui se trouvent forclos dans le cours du processus de fixation identitaire.

De la même façon, en raison de l'humeur anti-psychanalytique qui domine actuellement en France, en particulier chez certain-es des passeurs et des passeuses de Judith Butler, qui dénoncent justement les aspects normalisateurs ou homophobes de la psychanalyse, beaucoup de lecteurs et de lectrices de Judith Butler seront dérouté-es par l'intérêt pour la théorie psychanalytique dont témoignent ses livres – elle constitue pour elle la manière la plus satisfaisante de comprendre la façon dont les positions sexuelles sont assumées et la meilleure description du psychisme et de l'assujettissement psychique dont nous disposons –, quand même cet intérêt s'accompagne d'une critique vigoureuse, mais interne, de certains aspects fondamentaux des théories freudienne et lacanienne et de la psychanalyse du développement, qui n'est pas sans faire écho aux positions développées par Michel Tort dans La Fin du dogme paternel13. Cette reprise critique de la théorie psychanalytique – qui présuppose que celle-ci peut être amendée et redéployée – est essentielle à l’ensemble des analyses de Judith Butler : selon elle, le féminisme et la théorie sociale ne peuvent pas faire l’économie d’une théorisation psychanalytique parce que l’interdit de l’homosexualité et la production de la différence sexuelle s’imposent comme le fondement de la subjectivation et comme le soubassement de l’expérience sociale en général ; la déconstruction des normes de l’hétérosexualité (et de l’absolutisation des divisions de genre qui en découle) doit donc occuper une place centrale dans le dispositif théorique et militant du féminisme et préparer ou accompagner la critique des hiérarchies de genre.

La parution du Pouvoir des mots, un an avant celles de Trouble dans le genre et des entretiens réunis dans Humain, inhumain14, avait déjà compliqué la réception de l'œuvre de Judith Butler : en produisant, au nom de l'autonomie et de l'agency politiques des mouvements minoritaires, et à rebours de la perspective dominante dans les mouvements féministe et LGBT français, y compris au sein de groupes comme Act Up-Paris ou les Panthères roses, une théorie de la puissance d’agir politique et linguistique, ainsi que des arguments inédits contre la juridicisation de la politique et la censure des discours de haine (parce que juridicisation et censure font des différentes occurrences des discours raciste, sexiste et homophobe des cas, des affaires individuelles, alors qu’elles sont toujours des citations qui s’inscrivent dans une structure et une histoire, et parce qu’elles viennent court-circuiter le moment politique de la resignification polémique de ces injures – comme par exemple la réappropriation du mot queer, qui fut une insulte avant d’être revendiqué par le mouvement LGBT américain), ce livre risquait de mettre son auteure en porte-à-faux avec une bonne partie de son public et de dérouter ceux-là et celles-là mêmes qui l'auraient accueillie le plus favorablement si elle était restée sur le terrain de la déconstruction du genre et de l’hétérosexualité.

Sans vouloir trancher ces débats sur le développement et les orientations de son travail, force est de reconnaître que l'œuvre de Judith Butler a connu d'importantes inflexions : avec Bodies that Matter, elle opère un retour sur Trouble dans le genre et prend en compte les critiques qui lui ont été adressées tout en maintenant et même en radicalisant sa conception constructiviste du genre ; à la flamboyance de Trouble dans le genre succèdent des analyses beaucoup plus serrées, que l’on pourra dire kantiennes, visant à amender et développer les formulations initialement proposées, notamment en assurant la promotion paradoxale du concept de matière, entendue comme « processus de matérialisation qui se stabilise à travers le temps pour produire des effets de délimitation, de fixité et de surface15 » et ainsi constituer une extériorité réelle – nécessairement présupposée, bien que produite –, processus de matérialisation dont le paradigme est bien sûr la dialectique par laquelle le genre produit le sexe comme son présupposé nécessaire. Ainsi, à la question, classiquement constructiviste : « Comment le genre est-il constitué en tant qu’interprétation particulière du sexe et à travers celle-ci ? », se trouvent substituées les questions : « à travers quelles normes régulatrices le sexe est-il lui-même matérialisé ? » et « Comment peut-on expliquer que le fait de traiter la matérialité du sexe comme un donné présuppose et consolide les conditions normatives de son émergence16 ? »

La plupart des travaux qui suivront se situeront dans un registre assez différent, plus soucieux du caractère problématique, tant sur le plan théorique que politique, des questions abordées, questions qui dépasseront largement le domaine strict du genre et des sexualités pour s'attacher, dans Vie précaire17, à une réflexion plus générale sur la possibilité du maintien et du développement d’une sphère publique critique, sur les transformations contemporaines de la gouvernementalité et de la souveraineté, et, enfin, sur la vulnérabilité, concept dont l’émergence dans l’œuvre de Judith Butler vient cristalliser, dans Vie précaire mais aussi dans Le Pouvoir des mots, ses efforts pour penser et dépasser les limites du dispositif théorique et politique mis en place dans Trouble dans le genre. Avec Défaire le genre, Judith Butler revient sur les questions posées par les politiques du genre et des sexualités, mais en adoptant maintenant cette approche plus problématique : elle s’efforce notamment dans ce livre de mettre en évidence les contradictions, indissociablement théoriques et pratiques, auxquelles sont confrontés ceux et celles qui s’efforcent de penser le genre et les politiques sexuelles ; son analyse des débats sur le mariage gay ou des tensions entre la théorie queer et l’activisme transsexuel – suscitées par la question du caractère souhaitable ou non des catégories identitaires – est de ce point de vue emblématique18.

Mais cette brève description du développement de l'œuvre de Judith Butler serait incomplète si n'était évoqué un changement majeur d'orientation quant à la question de l'universel intervenu après la publication de Trouble dans le genre, changement qui a suscité une certaine gêne en France chez des lecteurs et lectrices de Judith Butler engagé-es dans des luttes minoritaires. Comme beaucoup de ceux-ci et celles-ci, la théoricienne féministe queer ne voyait en 1990 dans l'invocation de l'universel que le masque de la domination, une stratégie de légitimation des pouvoirs. Dans ses livres ultérieurs, elle reviendra sur ce point de vue en prônant un universalisme critique et en suggérant qu'un « moment universaliste » est inévitable pour les luttes d'émancipation. Il ne s'agit certainement pas pour elle de valider le détournement et l'appropriation propagandistes de l'universel auxquels se livrent les partisans néo-conservateurs, de droite et de gauche, du républicanisme français, lesquels, confrontés aux luttes minoritaires pour l'égalité, agitent le spectre d'un communautarisme qui menacerait l'universalisme (traduisons : l'ordre hétérosexiste national). Pour Judith Butler, il s'agit au contraire, dans une perspective proche de celle d’étienne Balibar, de défendre une conception de l'universel qui ne soit ni substantielle ni fondationnaliste. Son universalisme critique pose que la politique est toujours, pour une part du moins, une entreprise de critique de l'universel institué au nom d'un universel à venir, dont le contenu concret ne peut jamais être prédéfini, qui bien plutôt se détermine au cours de l'histoire à travers le traitement des problèmes inédits auxquels sont confrontés les mouvements minoritaires, problèmes qui ne peuvent être traités par ces mouvements sans bouleverser les catégories établies de la politique. Cette perspective, combinée à sa critique de l’identité, lui permet, pour reprendre une formule d’éric Fassin, « de penser une politique minoritaire qui ne soit pas communautariste19 ». Judith Butler maintient donc l'idée que, bien qu'il soit une forme de sédimentation des luttes passées, l'universel historique (institué) a aussi pour caractéristique d'exclure de son champ tel-les ou tel-les individu-es, tels ou tels groupes, exclusion que les luttes minoritaires contribuent à révéler ; mais, pour elle, la critique de l'universel ne peut pas ne pas recourir à l'invocation de l'universel : l'universel est fondamentalement un signifiant flottant, objet d'un travail d'interprétation et de réinterprétation polémique dont les mouvements minoritaires ne peuvent faire l'économie20.

Signalons, pour clore ce chapitre, le « détournement » du dispositif théorique de Judith Butler réalisé récemment par Alain Touraine, avec Le Monde des femmes21, livre qui invoque élogieusement le nom de Judith Butler pour légitimer une critique de la sociologie de la domination de Pierre Bourdieu et des discours « victimaires » que soutiendraient généralement les féministes, et promouvoir une analyse qui semble quelque peu simplificatrice de l'état des relations entre les sexes, en affirmant que les femmes sont devenues collectivement les nouveaux sujets de l'histoire, les agents éminents d'une transformation positive de la société. Judith Butler insiste pourtant pour sa part sur sa proximité relative avec la théorie de l'habitus de Pierre Bourdieu : ce qui caractérise le corps, c’est bien, pour Judith Butler, comme chez Bourdieu, sa capacité à contracter des habitudes, capacité qui permet de le définir comme un ensemble d’habitudes sédimentées qui, pour ainsi dire, collent à la peau, même si pour elle cet ensemble de dispositions plus ou moins durables qu’est le corps n’a qu’une unité fictive (performative), ou encore imaginaire, qui en cela est nécessairement précaire, puisque la répétition performative des normes qui investissent et constituent le corps ouvre la possibilité de variations et de déviations. Il n’est donc pas certain que « l'interventionnisme sociologique » d'Alain Touraine et le féminisme queer de Judith Butler puissent aisément être associés, et ce d’autant plus que la lecture qu’Alain Touraine fait de l’œuvre de Judith Butler consiste surtout à reprendre l’interprétation abusive, à visée dépréciative, que certaines féministes proposent de Trouble dans le genre, mais en lui donnant une connotation positive, pour la retourner, au nom « des femmes », contre l'ensemble des féministes22.


Le contexte français

Mais d'autres aspects du contexte français méritent d'être mentionnés pour une bonne compréhension des conditions de la réception en France des recherches de Judith Butler, de ses effets possibles et des brouillages qui l'accompagnent. Il importe d'abord de souligner que la traduction des différents livres de Judith Butler intervient alors que la plupart des travaux de ceux et celles des auteur-es avec lesquel-les elle est en dialogue (Denise Riley, bell hooks, Judith Halberstam, Teresa de Lauretis, Donna Haraway, Seyla Benhabib, Drucilla Cornell, Rosi Braidotti, Gayatri Chakravorty Spivak et Homi Bhabha, pour ne citer que les plus connu-es d'entre eux et elles) sont encore indisponibles en France, ce qui risque de produire un fort effet de distorsion dans la perception de ses livres, rapportés en conséquence à la seule French theory ou au seul French feminism (dont il faut souligner la diversité d'inspiration et d'orientation, tout en rappelant que Judith Butler, loin d'être une représentante éminente du French feminism, mobilise la French theory pour en faire la critique). Cet effet de distorsion ne manquera pas d'être renforcé par l'indifférence de beaucoup d'intellectuel-les français-es aux problèmes de traduction : il est remarquable qu'aucune des recensions ou des critiques journalistiques publiées à l'occasion de la parution en France des livres de Judith Butler ne mentionne les nombreux problèmes que pose leur traduction. Comment notamment traduire le concept d'agency ? Faut-il en français parler d'agir, d'agence, de capacité d'agir, de puissance d'agir ou d'agentivité ? Ne faut-il pas plutôt renoncer à traduire agency ? Que penser du fait que le vocabulaire théorique et politique français ne fournit pas d'équivalent évident à ce terme ? Est-ce le signe que les logiques politiques d'empowerment (d'« empuissancement », de maximisation de la puissance d'agir individuelle et collective) sont largement ignorées par la culture politique et militante française, cette dernière étant généralement appariée à l'État et ancrée dans des logiques institutionnelles d'expertise étatique et de victimisation ? Les questions de traduction rejoignent ici les questions politiques les plus brûlantes. L'absence remarquable en France de courants théoriques thématisant la question de l'agency – question centrale pour Judith Butler et beaucoup de théoricien-nes du monde anglophone –, hormis dans la mouvance formée par les amis de Deleuze et Negri et certains foucaldiens, complique la réception de l'œuvre de Judith Butler tout en la rendant d'autant plus précieuse et nécessaire.

Cette question n'est pas sans rapport avec un autre aspect du contexte français, tout aussi important pour la réception du travail de Judith Butler : l'« étatisation » de la politique, autrement dit – selon une interprétation plus positive que défend avec efficacité Éric Fassin dans L'Inversion de la question homosexuelle23 – le brouillage entre politique institutionnelle et politique de subversion qu'illustrent exemplairement les débats sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Il semble, à lire certains passages de Défaire le genre, que Judith Butler quant à elle fasse montre de plus de réserve sur ce point (comme c’était déjà le cas à propos de la parité), notamment en raison des effets de normalisation et d'exclusion que ce type de revendication est susceptible d'engendrer. De la même façon que ses réticences face à la censure des discours de haine allaient à l'encontre de l'humeur dominante dans les mouvements LGBT et féministe, cette réserve, qui se traduit par un refus de répondre simplement à l'injonction de se déclarer pour ou contre ledit mariage gay, risque de susciter une certaine incompréhension à la fois chez les partisans de l'ouverture du mariage et chez ses opposants les plus déterminés.

Un autre débat, de plus en plus central sur la scène idéologique française, au point de parasiter tous les autres, conditionne de façon décisive la réception de l'œuvre de Judith Butler en France : l'émergence de la question postcoloniale et de celle, connexe, de la traduction culturelle, qui viennent croiser et troubler, autrement dit compliquer, d'autres problèmes, entraînant en conséquence la formulation de nouvelles questions féministes. Les successives affaires du foulard ont bien sûr servi de catalyseur en la matière. Ces questions inédites, auxquelles n'étaient pas préparées la plupart des féministes « historiques » françaises – parce que leur cadre de pensée, défini dans les années soixante-dix, à un moment où ces questions ne se posaient pas dans les mêmes termes et avec la même acuité, n'offre pas les outils nécessaires à leur élaboration –, entraînent une recomposition des alliances – et des amitiés – passées : Christine Delphy et Anne Zelensky se retrouvent ainsi de part et d'autre de la ligne de fracture qui partage les unes et les autres. Judith Butler – qui bénéficie d'une familiarité certaine avec les discussions qui se sont déroulées dans le monde anglophone autour des postcolonial studies depuis près de trente ans – aborde ces problèmes du point de vue de sa réflexion sur l'agency et la traduction culturelle, étayée par un universalisme critique, dans un esprit pragmatique informé par un souci de contextualisation tout à fait hétérogène à l'invocation abstraite et anhistorique de la loi de 1905, mâtinée d'islamophobie, à laquelle se sont livrées les « laïcardes » qui ont milité pour l'interdiction du port du hijab à l'école. Comme il était prévisible, on ne manqua pas de dénoncer, avec beaucoup de mauvaise foi, l'alliance entre ledit « islamogauchisme » et la théorie queer prétendument antiféministe. S'il existe des convergences entre celles et ceux qui s'attachent à défaire le passé/présent colonial de la France et celles et ceux qui travaillent à défaire le genre, le sens et les termes de ces convergences sont évidemment tout autres et s'expliquent notamment par le fait qu'hétérosexisme et racisme d'essence coloniale sont historiquement intimement noués, ce que rappelle Judith Butler quand elle suggère, dans Défaire le genre, que le déchaînement auquel ont donné lieu les débats sur le pacs et l'ouverture du mariage aux couples de même sexe et les fortes crispations xénophobes suscitées par la fin du modèle républicain de normalisation nationale sont liés, notamment par une même fixation sur la question de la filiation.


Pour un féminisme de la subversion

On constatera d'ailleurs d'autres convergences, des convergences pratiques, plus inattendues, entre Judith Butler et des féministes qui, comme Christine Delphy, se situent dans un espace théorique à maints égards opposés. Parmi les grandes figures du féminisme français, Christine Delphy, dont la sensibilité politique a été profondément marquée par sa « rencontre » dans les années soixante avec le mouvement pour les droits civiques des Noirs américains, est en effet l'une des rares à tenir ferme aujourd'hui sur la logique fondamentale de l'empowerment et du refus de la victimisation, qui pose que l'émancipation des femmes ne peut être que l'œuvre des femmes elles-mêmes, qu'elle ne peut leur être imposée de l'extérieur, fussent-elles prostituées ou musulmanes, et que le point de départ de toute politique féministe est la parole des femmes et la maximisation des possibilités concrètes qui s'offrent à elles, dans la perspective d'une égale liberté de tous et toutes. C'est la fidélité à ce principe – lequel, on en conviendra, ne permet pas de résoudre a priori les contradictions pratiques que rencontrent les féministes, mais qui du moins constitue un utile principe régulateur – qui lui a permis, malgré de fortes réticences et la perspective abolitionniste qui est la sienne, d'engager un dialogue critique avec l'association féministe Femmes publiques, dont les membres militent pour la reconnaissance des droits des personnes prostituées et contre la stigmatisation dont elles font l'objet. C'est aussi au nom de ce principe fondateur du féminisme que Christine Delphy s'est opposée à l'exclusion des jeunes femmes voilées des établissements d'enseignement secondaire, qu'elle a développé une pratique de la traduction culturelle qui lui a permis de ne pas tomber dans les pièges d'un féminisme ethnocentré (l'idée qu'il puisse exister par exemple un féminisme noir ou, plus encore, un féminisme musulman est loin d'être évidente pour des esprits formés à l'école du républicanisme français, rétifs aux logiques politiques minoritaires) et que, face aux accusations de communautarisme, elle a mis en avant la perspective d'un universalisme critique ancré dans les luttes minoritaires pour l'égalité. Or, sur tous ces points fondamentaux, qui distinguent Christine Delphy de nombre d'autres féministes françaises, la proximité avec Judith Butler est flagrante. On rappellera de plus que sur un plan plus théorique existent aussi des convergences : Christine Delphy, peu de temps après la parution de Gender Trouble aux états-Unis, dans un article intitulé « Penser le genre », reproduit dans L'Ennemi principal24, a elle aussi avancé l'idée selon laquelle la différence des sexes n'est pas le substrat matériel du genre, mais que la différence des sexes présuppose bien plutôt, en un sens, le genre, qu'elle n'est pas un donné qui le précède, que nous ne pouvons pas avoir accès au fondement naturel sur lequel le genre serait produit, mais qu'au contraire la différence des sexes est toujours déjà informée par le genre et que leur distinction est donc problématique, thèse qui constitue le centre de Bodies that Matter, dans lequel Judith Butler, nous l’avons vu, répond à la question de savoir ce qu'il en est de la matérialité du corps. Sans doute les arguments utilisés de part et d'autre ne sont pas les mêmes, et certes les conséquences tirées de cette thèse par l'une et l'autre ne sont pas identiques, mais, dans un cas comme dans l'autre, nous avons affaire à un « hyper-constructivisme » qui met à mal les essentialismes et les anthropologies de la différence sexuelle, sans cependant impliquer que « tout est langage ».

Où donc se situent les divergences entre « féminisme matérialiste » et « féminisme queer » ? Et comment expliquer le rejet, généralement sans discussion véritable, du second par les promotrices du premier ? Quel est l'enjeu de cette bataille théorique et politique ? L'introduction de l'œuvre de Judith Butler en France intervient alors que le mouvement féministe s’est transformé en une mouvance – retranchée pour l’essentiel au sein de l’Université – aux limites incertaines et traversée de contradictions et d'oppositions qui ne se sont pas sédimentées en positions clairement définies autour de personnalités et de discours bien repérables. Le seul modèle constitué disponible reste celui élaboré dans les années soixante-dix et quatre-vingt, et que synthétisent les concepts de patriarcat (Christine Delphy) ou de sexage (Colette Guillaumin25). L'enjeu que représente la traduction des essais de Judith Butler est précisément l'émergence d'une théorie concurrente légitime, portée par une personnalité reconnue, et consignée dans un corpus de textes accessibles à tou-tes. Mais il ne s'agit pas bien sûr d'une pure lutte pour la reconnaissance, le pouvoir et la prééminence au sein du champ féministe, même si cette dimension n'est assurément pas négligeable. Des divergences théoriques et politiques bien réelles, lourdes de conséquences pour l'avenir du féminisme, expliquent l'anathème que les unes prononcent contre les autres.

Christine Delphy, dont la contribution politique et théorique est aujourd'hui encore l'une des plus déterminantes pour le mouvement féministe, insiste sur le caractère structurel et massif du sexisme ; Judith Butler insiste quant à elle sur ses ratés et ses échecs nécessaires. Ces deux perspectives induisent et reposent sur des logiques politiques différentes, voire opposées. Christine Delphy semble mue par le souci de rendre visible l'étendue et l'intensité de la domination, et c'est dans cette mise à jour qu'elle pense pouvoir puiser, et puise sans doute effectivement, sa puissance d'agir politique : une telle approche peut en effet jouer le rôle d'une représentation encapacitante, et il est certes possible de trouver, comme l'ange de l'histoire selon Walter Benjamin26, une certaine puissance d'agir politique dans la révélation de l'étendue et de l'intensité de la domination. Du point de vue de Judith Butler, il ne s'agit certainement pas de nier l'existence de la domination masculine et de l'hétérosexisme (hiérarchies de genre et violence hétérosexiste constituent la toile de fond de toute son œuvre), mais une perspective comme celle de Christine Delphy a, semble-t-il, le défaut majeur à ses yeux de présenter les relations de domination comme des relations saturées, sans failles, sans ambiguïté et sans réversibilité, et ainsi d'ôter en théorie, mais aussi peut-être dans une certaine mesure en pratique, leur puissance d'agir aux individues, ce qui de plus suppose ou entraîne tendanciellement la réduction de la sexualité au genre, puisque la première ne peut apparaître dans ce cadre que comme un violent rappel à l'ordre du second, alors que, pour Judith Butler, il convient au contraire de penser leur articulation complexe27. Remarquons à ce propos que si Christine Delphy s'est surtout attachée à l'analyse de la dimension économique du patriarcat, ce n'est peut-être pas tant qu'une enquête sur la sexualité devait prolonger un programme de recherche dans lequel il fallait bien s'engager à partir d'un point de départ nécessairement circonscrit, mais qu'une thèse sur la relation entre les rapports sociaux de genre et la sexualité se situe au principe des travaux de l'auteure de L'Ennemi principal. Cette thèse se résume à l'affirmation, développée avec obstination par Andrea Dworkin28 et Catharine A. McKinnon29, selon laquelle, dans une société patriarcale, la sexualité hétérosexuelle n'est et ne peut être qu'un violent rappel à l'ordre, qui institue et réinstitue, de manière absolument contraignante, la subordination des femmes. On trouvera dans Le Pouvoir des mots une critique précise et vigoureuse des présupposés de cette affirmation. Ce sont d’ailleurs peut-être moins, prises isolément, les vues de Judith Butler sur la performativité du genre que ses vues sur le pouvoir et l’articulation entre genre et sexualité qui provoquent l’ire de certain-es de ses détracteurs et de ses détractrices. Quoi qu’il en soit, il est vrai que si Christine Delphy défend en pratique une logique d'empowerment, ses recherches ne permettent que difficilement de penser la possibilité de l'agency. Sa description du monde social nous semble en effet ne pas permettre de comprendre comment la structure sociale produit les sujets sociaux et comment ces derniers reproduisent la première ; et surtout, elle nous paraît empêcher de penser dans une perspective matérialiste l'émergence au sein du mécanisme de la production et de la reproduction sociale d'une puissance d'agir susceptible de le faire dévier et d'ouvrir la perspective d'une transformation. De ce point de vue, tout comme chez Bourdieu, la possibilité de la résistance aux processus de production et de reproduction de la domination masculine (ou du patriarcat) et leur subversion ne peut apparaître chez Christine Delphy que comme un « miracle » sociologique.

C'est précisément cette impasse, nous semble-t-il, que cherche à éviter Judith Butler. Elle demande ainsi dans Trouble dans le genre (p. 70) : « Si le genre est construit, pourrait-il être construit autrement, ou son caractère construit implique-t-il une forme de déterminisme social qui exclut la capacité d'agir et la possibilité de toute transformation? » ; et dans Bodies that Matter (Introduction, p. x): « Comment peut-on dériver la puissance d'agir d'une conception du genre qui fait de lui l'effet d'une contrainte productive ? » Ailleurs, dans un autre lexique, elle se demandera comment de notre vulnérabilité et de notre interdépendance fondamentales et irréductibles peut surgir quelque chose comme une puissance d'agir transformatrice. La réponse qu'elle apporte à cette question, dans des analyses qui font écho à Jacques Derrida et aux écrits de Luce Irigaray et Homi Bhabha sur l’imitation et l’ambivalence30, est maintenant bien connue : les structures sociales ne sont pas des monolithes qui subsisteraient comme par magie, les normes ne se soutiennent pas d'elles-mêmes ; les identités de genre et les normes sous-jacentes doivent être constamment répétées, recitées, rejouées ou encore performées dans une sorte de rituel obsessionnel tragi-comique. C'est cette répétition nécessaire au maintien et à la reproduction de la structure qui ouvre selon Judith Butler la possibilité de ses inévitables ratés, de son déraillement, et qui constitue la condition de possibilité d'une politique du performatif et de la resignification ancrée dans une politique de la subversion visant à dégager les possibilités concrètes de la production de formes de vie plus désirables, politique de la subversion dont les mouvements féministe et LGBT ont pu offrir d'exemplaires témoignages.

Le féminisme de la subversion qu'esquisse ainsi Judith Butler se distingue de la politique de la « dénonciation » que semble impliquer les théories du patriarcat ; il paraîtra à certain-es ouvrir des perspectives moins radicales puisqu'il substitue à la perspective d'une abolition du genre celle d'un monde dans lequel le genre serait non pas nécessairement « aboli », mais du moins « défait », dans lequel les normes du genre joueraient autrement, tout autrement. On pourra cependant se demander si ces deux perspectives sont si différentes. Quoi qu'il en soit, n'est-il pas temps de prendre la mesure de l'entreprise critique de Judith Butler et d'en entamer l'évaluation rigoureuse par la mise en évidence de ses potentialités critiques et politiques, mais aussi de ses limites et de ses points aveugles ? Le travail de Judith Butler, par l’accent mis sur la question de l’agency, par ses vues sur la performativité du genre, par la conception du pouvoir et des processus de subjectivation/normalisation qui est la sienne et enfin par son souci de problématiser le rapport de la politique à l’état et de penser les liens complexes entre normes, lois et institutions, devrait ainsi contribuer de manière féconde à relancer et reformuler, sans bien sûr prétendre les inaugurer, les discussions qui traversent le féminisme français depuis longtemps déjà, mais de manière peut-être trop étouffée. Il n’est pas question ici de rêver à l'établissement d'un consensus tout à fait utopique (bien que l'idée d'un féminisme matérialiste queer n'ait rien d'absurde), mais plutôt de suggérer qu’un vrai débat autour, entre autres, des livres de Judith Butler transformerait positivement le champ féministe, au bénéfice de toutes ses membres, et augmenterait, au-delà de leurs divergences, la puissance d'agir collective des féministes31.


1* Jérôme Vidal est traducteur et co-responsable des Éditions Amsterdam (www.editionsamsterdam.fr).

2 Leo Scheer, 2002, traduction de Brice Matthieussent.

3 EPEL, 2003, traduction de Guy Le Gaufey.

4 Éditions Amsterdam, 2004, traduction de Charlotte Nordmann.

5 Fayard, 1999.

6 Manifeste contra-sexuel, Balland, 2000.

7 Queer Zones, Politique des identités sexuelles et des savoirs, Editions Amsterdam, 2006 (1ère édition : Balland, 2001).

8 Routledge, 1993.

9 Entretien publié dans le dossier consacré à la théorie queer par Les Lettres françaises en août 2004.

10 Dans un compte-rendu du Pouvoir des mots publié dans Mouvements (novembre-décembre 2004).

11 Lors d'une intervention prononcée en Sorbonne dans le cadre d'une rencontre publique organisée au printemps 2005.

12 Dans un compte-rendu de La Vie psychique du pouvoir publié dans Mouvements (novembre-décembre 2004). Sur ce livre et sur Le Pouvoir des mots, on lira les recensions proposées par Pierre Macherey sur son site.

13 Aubier, 2005.

14 Éditions Amsterdam, 2005, traduction de Jérôme Vidal et de Christine Vivier.

15 Bodies that Matter, p. 9.

16 Bodies that Matter, p. 10. L’intérêt de Judith Butler pour le corps (sa matérialité, sa malléabilité, sa vulnérabilité) la distingue sans doute de beaucoup de chercheuses féministes françaises qui portent plutôt ou d’abord leur attention sur les rapports sociaux.

17 Éditions Amsterdam, 2005, traduction de Jérôme Rosanvallon et de Jérôme Vidal.

18 Pour une présentation et une interprétation rétrospective de la trajectoire de Judith Butler, on lira les entretiens réunis dans Humain, inhumain, en particulier « Le genre comme performance » et « Changer de sujet ». On consultera aussi avec profit l'introduction didactique aux thèses de Judith Butler qu'éric Fassin a donnée en guise de préface à Trouble dans le genre, ainsi que la présentation qu’en propose Stéphane Haber dans un chapitre de Critique de l’antinaturalisme : études sur Foucault, Butler, Habermas (PUF, 2006). Enfin, une première approche du travail de l'auteure de Trouble dans le genre pourra se faire à travers la lecture de trois entretiens, publiés respectivement dans Vacarme (n° 22, hiver 2003, propos recueillis par Eric Fassin et Michel Feher), Mouvements (n° 29, automne 2003, propos recueillis par Irène Jami) et Travail, Genre et Sociétés (n° 1, avril 2006, propos recueillis par Tania Angeloff, Delphine Gardey et Laura Lee Downs).

19 Éric Fassin, « Ouverture de la journée Lectures de Butler organisée à l’ENS le 26 mai 2005 ».

20 Sur la question de l’universel, Judith Butler a publié en collaboration avec Ernesto Laclau et Slavoj Žižek : Contingency, Hegemony, Universality: Contemporary Dialogues on the Left (Verso, 2000).

21 Fayard, 2006.

22 De Judith Butler, sur la sociologie de Pierre Bourdieu, on pourra lire les analyses développées dans Le Pouvoir des mots. L’enjeu des débats en cours autour de l’œuvre de Judith Butler est précisément celui d’une sortie du carcan des théories de la domination ; autrement dit, la question qui se pose de nouveau aujourd’hui est celle de savoir si peut émerger en France un féminisme « (post-)foucaldien » qui proposerait sur le pouvoir et les rapports de domination une autre perspective que celle que Bourdieu et nombre de ses critiques féministes ont en partage, sans pour autant négliger leurs apports et nier la part de « vérité » de l'approche qui est la leur.

23 Éditions Amsterdam, 2005.

24 Tome II, Syllepse, 2001.

25 Sexe, race et pratique du pouvoir, Côté-femmes, 1992.

26 « Le concept d'Histoire », IX, in Œuvres III, traduction de Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, Gallimard, 2000.

27 Sur ces questions, on pourra notamment lire la contribution d'étienne Balibar au dossier que la revue Travail, Genre et Sociétés (2000, n° 4) a consacré à l'œuvre de Christine Delphy. étienne Balibar présente dans cet article les analyses de Françoise Duroux comme une possible alternative à celles de Judith Butler.

28 Intercourse, Free Press, 1987.

29 Only Words, Harvard University Press, 1993.

30 Luce Irigaray, Ce sexe qui n’en est pas un (Minuit, 1977) et Homi Bhabha The Location of Culture (Routledge, 1994).

31 On trouvera dans Feminist Contentions, A Philosophical Exchange de Seyla Benhabib, Judith Butler, Drucilla Cornell et Nancy Fraser (New York, Routledge, 1995) un bon exemple de ce que pourrait être un débat informé et exigeant autour des questions que pose le travail de Judith Butler.